Page:Sand - La Daniella 2.djvu/71

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mère ; il n’y a pas d’autre femme au monde pour qui je me résignerais à passer trois jours sans voir le soleil. Mais lui, avec son mauvais estomac, son lumbago, ses habitudes de mollesse et de luxe, il aurait été capable d’y passer trois ans pour attendre la décision de la dame de ses pensées. Dieu merci, la voilà résignée à l’enlèvement ; car c’en est un, mon cher, et vous allez être enrôlé dans la garde de la princesse voilée ! J’allais dire volée ! Voyons, prince ; quel grade donnerons-nous à notre jeune artiste dans le corps d’armée de la divine…

— Ne buvez plus, docteur, dit le prince avec un mouvement d’humeur ; vous avez failli la nommer !

— Oh ! que non ! dit le docteur en faisant la pantomime de cadenasser ses lèvres. Depuis quand donc le docteur ne peut-il pas boire impunément tout ce qu’une table peut porter de bouteilles ?

— Quant au grade à donner à noire nouvel ami, reprit le prince, je le nommerai colonel d’emblée ; car il a fait ses preuves. Savez-vous, M. Valreg, que votre aventure sur la via Aurélia a fait du bruit, je ne dirai pas dans Rome, c’est une grande cave qui étouffe, plus que celle où nous voici, le son de la voix humaine, mais dans la région privilégiée où l’on peut parler de quelque chose, voire de ce qui se passe sur les chemins ? Il paraît que vous endommagé la cervelle d’un sujet utile à la police, qui, en ce moment-là, commettait l’indiscrétion de travailler pour son compte à détrousser les voyageurs. Il a été réprimandé, menacé et pardonné. C’est, à ce qu’il paraît, un homme précieux pour découvrir les transfuges. C’est lui qu’on a mis sur nos traces ; mais, là encore, il a voulu travailler pour son propre compte en se vengeant de vous par de fausses dénonciations.

— On nous a parlé aussi, dit le docteur, d’un certain Ma-