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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/89

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qu’elles étaient garnies de pistolets. Je m’arrangeai de manière à m’en servir librement au premier signal.

Felipone, parti en éclaireur, revint nous dire de continuer au pas sur le chemin sablonneux qui laisse les Camaldules à gauche et qui monte en droite ligne sur Tusculum. Il n’avait rencontré ni aperçu personne ; le passage était libre, et l’allure lente et calme était préférable à l’irruption brusque au galop, du moins jusqu’à nouvel ordre.

Nous traversâmes donc, sans hâte et sans encombre, la partie découverte du chemin frayé qui s’ouvrait devant nous, et nous gagnâmes, sans être signalés, le taillis à pic de la gorge située sur les derrières du théâtre de Tusculum.

Là, nous étions de nouveau complètement à couvert ; le chemin étroit, très-uni, mais rapide, ne nous permettait plus d’aller deux de front. Chacun arma le pistolet ou la carabine dont il était muni et eut l’œil sur sa droite ; à gauche, il n’y avait que le ravin.

Le paysage étroit et tourmenté que nous arrivâmes à dominer était, à la clarté voilée de la lune, d’une tristesse morne. Ce chemin, déjà si mélancolique durant le jour, prend, la nuit, un air de coupe-gorge qui eût pleinement satisfait Brumières.

Ce bois a été le faubourg de Tusculum, et le chemin qui le traverse est, comme je vous l’ai dit ailleurs, une voie antique ; circonstance assez grave pour nous, car les pieds de nos chevaux commencèrent à résonner sur les polygones de lave, qui furent jadis le pavé des rues de la ville latine. Nous parvînmes néanmoins au pied de la croix qui marque le sommet de la citadelle tusculane, au milieu d’une solitude absolue. Là, nous nous arrêtâmes pour examiner le revers de la montagne que nous avions à descendre. Sur ce plateau découvert, nous étions abrités par l’ombre épaisse du massif de roches qui supporte la croix.