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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/94

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chercha un instant son équilibre, le retrouva par un écart, et, pressé par l’amazone habile qui le dirigeait, arriva au fond du ravin, pour repartir, en bondissant, sur une montée aussi rapide que la descente.

— Non ! non ! je n’ai aucun mal, me dit le prince, que je m’étais empressé de remettre sur ses pieds. La signora est d’une pétulance ! Je vous en prie, mon cher, suivez-la. Ces chemins sont très-difficiles, et elle ne s’en méfie pas assez.

Je rendis la main à Vulcanus, c’est le nom du poney que Felipone m’avait prêté, et, dépassant ceux qui marchaient devant, j’atteignis la dame voilée et lui fis part, sans trop me soucier de lui être agréable ou non, des inquiétudes du prince. Elle ne me répondit pas ; mais son cheval, comme s’il eût reconnu ma voix, se mit à me parler par ce demi-hennissement qui expriment la satisfaction chez ces nobles bêtes ; et, chose très-bizarre, comme si le langage des animaux m’eût été soudainement révélé, comme si j’eusse compris par une intuition mystérieuse ce que me rappelait celui-là, je le reconnus enfin, et retrouvai tout à coup son nom et le souvenir du service qu’il m’avait rendu. Aussi lui répondis-je gaiement, sans hésiter et sans me soucier d’être très-ridicule :

— Tiens, c’est toi, brave Otello ?

— Oui, c’est Otello, répondit la dame voilée : n’aviez-vous donc pas reconnu celle qui le monte ?

— Miss Medora ! m’écriai-je stupéfait.

— Approchez-vous davantage, dit-elle, et causons pendant que nous le pouvons. Les autres sont loin derrière nous. Ne me faites pas de sermons, c’est inutile. Je suis déjà assez mécontente de ma situation. Sachez, en deux mots, mon histoire, comme je sais la vôtre. Je vous ai aimé, vous êtes le seul homme que j’aie aimé. Vous m’avez haïe ; par dépit, j’ai voulu aimer mon cousin Richard. Cela m’a été