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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/95

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impossible. Il s’en est aperçu, il s’est piqué, il s’est éloigné. Nous avons quitté Florence au bout de quelques jours, et nous avons reçu, à Rome, la visite du prince, alors caché à Frascati, ce qui ne l’empêchait pas de venir me voir avec beaucoup de hardiesse. Cette hardiesse, cette situation aventureuse où il se trouvait, ont augmenté l’intérêt et l’amitié que j’avais pour lui, car il y a deux ou trois ans que je le connais et qu’il me fait la cour quand nous nous rencontrons. Je voulais, je veux me marier, et surtout me marier sans amour, uniquement pour avoir une position sociale et m’étourdir dans le monde. Je n’étais plus heureuse avec ma tante. Elle est folle ; elle était devenue jalouse de la très-mince amitié filiale que j’accorde à son mari. Je n’ai pu supporter l’ombre d’un soupçon. J’ai quitté sa maison au premier mot d’aigreur. Le prince était, de nouveau, passionnément épris de moi. Il est moins riche que je ne le suis ; mais il a un nom magnifique, de l’esprit, de l’usage et du cœur. Je ne dépends que de moi-même ; mais, par égard pour lord et lady B***, je leur en écrivis. Ma tante vint me voir, me supplia de retourner chez elle et d’abandonner ce projet de mariage. Elle trouvait le prince trop vieux et trop laid ; elle parlait même d’user, pour m’en détourner, d’une autorité qu’elle n’a pas. C’est ce qui acheva de me décider. Le soir même de cette explication, qui avait été assez vive, je fis dire secrètement au prince que j’allais le rejoindre à Frascati. J’espérais vous y voir. Je ne savais rien de vos aventures, je ne les ai apprises que par le prince, qui les tenait de Felipone. J’aurais pu les apprendre de Tartaglia, si je ne m’étais tenue assez bien cachée à Frascati pour me soustraire à la vue de ce bavard. Je sus, au bout de quelques jours, que lord B*** agissait en vain. Vous deviez, par l’ordre du cardinal ***, rester prisonnier à Mondragone ainsi que son frère. C’est une leçon qu’il voulait donner à ce der-