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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/98

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— Très-bien ! Ainsi, vous connaissez ces détails dont je n’osais vous parler, et vous allez avoir pour beau-frère un mouchard, voleur de grands chemins par-dessus le marché ?

— C’est un désagrément prévu, et je passe outre.

Elle garda un instant le silence et reprit :

— Je me demande lequel de nous deux fait une folie : celle qui épouse sans amour un homme comme il faut, ou celui qui veut épouser une femme qu’il aime, en dépit de sa honteuse situation.

— Vous croyez, répondis-je, que la raison est de votre côté comme je crois qu’elle est du mien ; et, tous deux, nous sommes très-contents de nous-mêmes. C’est ainsi que se résument tous les antagonismes de l’opinion, et, comme c’est le résultat inévitable de toutes les discussions possibles, on devrait se les épargner comme inutiles, à moins qu’on ne les considère comme un moyen sûr de se confirmer et de se fortifier dans ses propres tendances.

— C’est bien dit, mais ce n’est pas toujours certain. Il y a des convictions entières qui ébranlent les demi-convictions, et je vous avoue qu’en vous voyant si absolu dans la logique de votre théorie, je me demande si je suis dans le vrai chemin de la mienne. Tenez, l’amour est une puissance maudite, puisque celui qui se fait son apôtre est toujours plus fort dans son délire que l’apôtre de la raison ne l’est dans sa quiétude.

— Voici le prince qui nous rejoint, et c’est à lui de vous convaincre de la puissance de l’amour, puisqu’il vous aime et vous implore.

— Attendez ! un mot encore ! J’espère que vous ne pensez pas que je ne sois plus parfaitement libre de rompre avec lui ?

— Pardon ! je ne vous comprends pas.