Page:Sand - La Famille de Germandre.djvu/202

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arrivait à le dominer, et alors il ouvrait ses livres, s’y plongeait une heure ou deux, souriait et reprenait son calme olympien, sa figure radieuse et vraiment royale sous sa couronne de cheveux gris retenue par un bonnet de laine bleue.

» Il était beau, mon père, il était bon, grave et doux. Peu à peu, j’obtins la confidence de sa préoccupation passagère.

» — J’ai appris avec mon frère aîné, me dit-il, et même j’ai su mieux que lui des choses qui me sont aujourd’hui complètement inutiles, et que je voudrais oublier, puisqu’elles ne servent qu’à obséder parfois ma mémoire. Mais, par une contradiction d’esprit dont je ne suis pas toujours le maître, ces choses me reviennent, me sollicitent, me tourmentent. On dirait qu’une science acquise par un homme qui n’en veut plus s’obstine à ne pas être oubliée. C’est pourquoi je lui cède de temps en temps. Je repasse mes livres, et, m’étant assuré que je sais toujours ce que je savais, je redeviens tranquille et reprends avec plaisir mes travaux et mes devoirs ordinaires.