Page:Sand - La Filleule.djvu/133

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— Je montai sur la bête et je gagnai Paris où, sans chercher mon père, je ne tardai pas à le rencontrer. Il fut content de me voir, et me dit que ma mère avait bien fait de mourir si son enfant était blanc. Je lui dis que l’enfant était mort aussi ; mais il voulut savoir la vérité et se fit conduire par moi à la maison Floche. Il y entra, regarda la petite et me dit en revenant :

» — Ce n’est pas ma fille ; qu’elle devienne ce qu’elle pourra.

» Il ne s’en est pas occupé depuis, et m’a empêché d’aller savoir de ses nouvelles.

— Cette partie de ton histoire me semble un peu louche, mon garçon, ou tu es bien lâche. Si tu croyais ton père capable de tuer ta sœur, pourquoi l’as-tu conduit auprès d’elle ? Ne pouvais-tu pas dire que tu ne saurais pas retrouver l’endroit ?

— Il ne m’aurait pas cru et m’aurait battu jusqu’à ce que je parle. Un gitano de mon âge qui ne se souviendrait pas d’un endroit où il a passé, ce n’est pas possible à croire !

— Alors, par crainte des coups, tu as risqué la vie de ta sœur ? Je vois que tu es né sans cœur et sans courage. C’est plus malheureux pour toi que tout le reste.

— Je ne vous dis pas le contraire, répondit l’enfant avec une naïveté dont je fus consterné.

— Enfin, repris-je, que s’est-il passé dans l’esprit de ton père en voyant cette enfant ? Tu ne me le dis pas. Tu oublies que je vous ai surpris tous deux, ce soir-là, vers minuit, guettant et rôdant autour de la maison Floche.

— Ah ! c’était vous ? dit le gitanillo en souriant ; je m’en doutais bien. Vous n’avez pas abandonné ma sœur ; vous aviez eu l’air de l’aimer.

— Je ne réponds pas, mon drôle, j’interroge. Que faisiez-vous là, si vous n’aviez pas de mauvaises intentions ?

— Ah ! voilà, monsieur. Mon père, après avoir dit que, sa femme étant morte, il ne lui en voulait plus et laisserait vivre