Page:Sand - La Filleule.djvu/136

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là autant d’heures qu’il me plairait d’en faire gagner au fiacre.

J’allai trouver un des agents de police qui veillent à la sûreté des richesses du cabinet, et je lui déclarai qu’un homme que j’avais de fortes raisons pour croire dangereux et malintentionné depuis longtemps, était en train de me guetter à la porte ; que c’était un de ces bohémiens qui font souvent le métier de voler les enfants, et que je croyais celui-là déterminé à me suivre pour opérer quelque chose en ce genre dans une maison où j’allais souvent.

Je connaissais les principaux agents dont l’office était de prêter main-forte aux gardiens. Tous me connaissaient, et celui-là particulièrement, parce que, dans une tentative de vol au cabinet de minéralogie, j’avais eu à échanger des renseignements avec lui. Il me savait donc incapable de l’induire en erreur pour ma satisfaction particulière, et il me répondit avec ce ton de suprême paternité que ce genre de fonctionnaire aime à prendre dans certains cas :

— Allez, mon petit, montez dans votre fiacre, je vous réponds qu’il ne vous suivra pas, et que nous saurons ce qu’il est et ce qu’il veut.

Au moment où je montais en voiture, c’est-à-dire moins de trois minutes après, quatre agents de police cernaient mon gitano, qui, avec l’instinct du gibier devant les chiens, avait senti leur approche et s’était éloigné. Mais il trouva le passage fermé par un de ces messieurs, qui lui mit la main au collet et lui fit décliner ses noms et qualités. Je les laissai aux prises avec lui, assuré que, dans le cas où il pourrait justifier de son droit à fouler le pavé de Paris, on l’occuperait assez longtemps pour l’empêcher de me suivre, et qu’en même temps on l’effrayerait assez pour l’empêcher de recommencer de sitôt. Le bohémien est excessivement poltron. De tous les bandits, c’est le moins redoutable : dès qu’il se voit observé,