Page:Sand - La Filleule.djvu/175

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en horreur, je ne sais pas pourquoi. Aussi quelle joie quand mon parrain est entré ! J’ai été si émue que je n’osais pas l’embrasser. Il en a été étonné ; et puis, après les premières tendresses, il s’est mis à m’examiner. J’étais bien mal à l’aise, et ses remarques n’étaient pas trop obligeantes.

— Tu n’as guère grandi, et je crois que tu es plus brune qu’à mon départ. Quelle petite sauterelle !

Ah ! je vois bien que, décidément, je suis laide ; mais il aurait pu se dispenser de me le faire entendre si clairement. Alors il faudra que je m’arrange pour avoir beaucoup d’esprit ; autrement, personne ne prendra garde à moi.

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20 septembre.

Depuis quatre jours, j’ai pris mes leçons avec assiduité, j’ai étudié mon piano avec ardeur. C’est que mon parrain m’a encouragée. Il a été content de mon jeu, mais il a trouvé que je ne lisais pas la musique assez vite, et il a dit qu’il ne me ferait travailler que quand Schwartz serait très-content de moi. Il me trouve instruite et avancée pour mon âge ; mais il fait entendre que, si j’en restais là, je ne serais qu’une petite sotte. Allons, je vois bien qu’il faut que je me donne beaucoup de peine pour lui plaire, à ce bourru de parrain ! Eh bien, on s’en donnera.

Comme il aime mes deux mamans ! Je crois qu’il préfère mamita. Oui, c’est une adoration qu’il a pour elle. Ce sont des soins, des attentions… et, quand il croit que je ne le vois pas, il la regarde comme l’aigle épris de la beauté du soleil. Que je suis peu de chose, moi, entre ces deux êtres si parfaits et qui se comprennent si bien ! Pourquoi ne sont-ils pas mariés ensemble ? C’est singulier, cela ! car tous ceux qui les abordent