Page:Sand - La Filleule.djvu/254

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— Vous êtes gitano, vous ne vous en cachez pas ?

— Je ne m’en cache pas, au contraire : c’est mon état.

— Vous avez raison. De quelle province d’Espagne êtes-vous ?

— Je suis né en Angleterre, où on nous appelle gypsies.

— Comment s’appelait votre père ?

— Je n’en sais rien. Je n’ai jamais connu ni père ni mère. J’ai été abandonné chez des paysans, qui m’ont élevé jusqu’à l’âge de douze ans, et qui m’ont ensuite rendu à des gens de ma tribu qui venaient d’Espagne et qui m’y ont conduit.

— Vous ne connaissez personne à Paris ?

— Personne encore, monseigneur.

— Qui vous a recommandé à la duchesse ?

— La comtesse de Fuentès.

— C’est bien. Je vous ferai demander, si j’ai besoin de vous.

— Je pars demain pour la Russie, monseigneur.

— À la bonne heure ! dit le duc.

Et Rosario sortit, emportant sa guitare et ses dix louis.

— Je m’étais trompé, pensa le duc en rentrant dans ses salons. Comment me rappellerais-je la figure de cet enfant au point de le reconnaître ?

Clet causait avec Roque derrière une pyramide de fleurs.

— Conçoit-on l’impudence de ce gaillard-là ! disait Edmond Clet en regardant le programme de la soirée, imprimé en or sur du satin blanc. Se faire appeler du nom d’une des plus belles étoiles du ciel, quand on s’est appelé Dariole ! et venir chanter ici, sous notre nez, quand on a tenu le torchon sur la roue des sapins !

— Eh bien, pourquoi pas ? disait Roque, que rien n’étonnait dans les choses de ce monde. Est-ce qu’on le connaît ?

— Mais le duc ?

— Comment le connaîtrait-il, depuis le temps ? Il n’a jamais