Page:Sand - La Filleule.djvu/255

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fait la moindre question sur son compte, et notre protégé est trop fin pour n’être pas venu ici sous un nom supposé, sans avoir une histoire toute prête.

— Mais s’il prétend se faire connaître à Paris, voilà peut-être un grand embarras pour la petite ?

— La petite ne sait seulement pas s’il existe.

— Elle l’a écouté et regardé avec une agitation très-frappante.

— La cigale a reconnu la musique de sa bruyère. Les bêtes ont bien des instincts sauvages qui survivent à la domestication, pourquoi les êtres humains n’en auraient-ils pas ? Je suis fâché de n’avoir pas entendu chanter notre Indien dans sa langue, au lieu d’avoir bavardé en pure perte avec cet homœopathe saugrenu. Voyez un peu la mémoire des enfants ! J’aurais cru qu’il n’en savait plus un mot. Il a eu du succès ?

— Un succès d’enthousiasme.

— Tant pis ! il n’apprendra plus rien, le paresseux !

— Qu’apprendrait-il de mieux ? Il a trouvé sa veine.

— Allons donc le trouver, et sachons comment il vit et où il perche. Au fond, je ne le hais pas, ce garçon : c’est un drôle de corps.

Et Roque chercha son protégé, qu’il ne trouva plus.

Morenita avait suivi des yeux les mouvements de Rosario et de son père ; puis tous deux avaient disparu, et elle cherchait avec préoccupation à rejoindre l’un ou l’autre, quand elle entendit une douairière castillane, qui ne la savait pas derrière elle, dire à sa voisine :

— Voilà une grande maison qui s’en va en quenouille d’une façon déplorable. Que feront-ils de cette gitanilla ? Le duc est fou, vraiment, et la duchesse encore plus folle ! Ils auront beau la requinquer, ils ne la blanchiront pas ; et, à moins de la marier avec un gratteur de guitare comme celui qui nous a