Page:Sand - La Filleule.djvu/279

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calme, je ne vous engage pas à dire à Morenita que je suis dans votre confidence. Puisqu’elle ne me le dit pas elle-même, vous comprenez qu’elle se méfie de ma tendresse. Et moi, je me méfierais de sa discrétion auprès du duc. Dans un jour de dépit contre lui ou contre moi, elle pourrait me trahir en se trahissant elle-même.

— Tout cela était convenu, señora, répondit le gitano. Vous croyez que j’ai été assez fou pour manquer à la parole que vous avez daigné exiger de moi ?

— Non, dit la duchesse d’un ton expressif, car ma protection est à ce prix. À propos, cher enfant, avez-vous trouvé quelque chose à gagner à Gênes ?

— Non, madame, je n’ai pas cherché. Je craignais trop de me faire remarquer, et que le bruit de ma présence dans votre voisinage ne vînt quelque jour aux oreilles de M. le duc.

— Ah ! c’est juste ! dit la duchesse d’un air fort naturel qui en eût imposé à tout autre ; vous avez bien fait. Mais de quoi vivez-vous, alors ?

— Du présent que madame la duchesse a daigné me faire en quittant Paris.

— Vous ai-je donné quelque chose ? je ne m’en souviens pas. Ah ! par exemple, j’ai fait une grande étourderie de vous dire où nous allions ; j’aurais dû prévoir que vous nous suivriez, que vous saisiriez l’occasion de voir cette chère sœur ! Hélas ! c’est une occasion et une liberté qui ne se retrouveront peut-être plus. Le duc revient d’Espagne dans un mois, et il nous faudra le rejoindre à Paris.

— J’entends ! pensa Rosario, il est temps que j’enlève Morenita.

— Allons, il se fait tard, reprit la duchesse, et je vois que vous vous oubliez quelquefois à babiller avec cette chère enfant. Je crains que cela ne la fatigue. Quant à la compromettre,