Page:Sand - La Filleule.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suis encore amoureux de ta beauté, et il ne sera pas dit qu’un homme de la race ennemie respirera avant moi le premier parfum de ton souffle. Tu m’appartiens de droit, quoi que tu dises, et tu vas me donner le baiser de l’amour, ou mourir.

— Je ne vous crains plus, dit Morenita outrée, en prenant le cordon de la sonnette, qu’elle tira avec violence. Je sais que les gitanos sont lâches ! Fuyez donc, je vous le conseille ; je dirai qu’un voleur m’a effrayée, ou que j’ai fait un mauvais rêve.

— Tu verras si je suis lâche, moi ! répondit Algénib en s’asseyant avec audace sur le lit de Morenita. Commande donc à tes valets de m’ôter de là ! Mais, auparavant tu leur expliqueras comment je m’y trouve.

— Je dirai la vérité ! s’écria Morenita en se dirigeant vers la porte ; je dirai que je vous ai cru mon frère et que vous ne l’êtes pas.

D’un bond rapide, Algénib se plaça devant la porte.

— N’espère pas m’échapper, dit-il, personne ne viendra. Tout le monde est sourd ici !

— Excepté moi ! dit une voix d’homme à travers la porte, qui, brusquement poussée, envoya le gitano frapper du corps contre la muraille.

C’était le duc de Florès. Morenita s’élança dans ses bras.

— Laissez-moi, dit le duc en l’éloignant, je vous parlerai plus tard. Avant tout, je veux châtier ce drôle.

Et s’avançant sur Algénib, il le prit au collet, et le pliant en deux comme un roseau, il le fit tomber à genoux.

Le gitano, éperdu et vaincu par une terreur qui fit rougir Morenita jusqu’au fond de l’âme, n’essaya pas de se défendre. Mais aucune parole ne sortit de sa bouche, et le duc, qui ne l’eût maltraité qu’avec répugnance, ne put lui arracher ni prières ni promesses. L’œil fixé à terre, morne, farouche, plein de haine, mais résigné comme l’homme sans espoir et