Page:Sand - La Filleule.djvu/291

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cent mille francs de dot qu’il fit délicatement sonner à leurs oreilles, il n’en trouva pas une seule qui voulût comprendre. Il pensait cependant que l’aventure de la villetta était restée fort secrète. Aucun de ses amis ne lui avoua que la duchesse l’avait mis dans la confidence. Tous y étaient initiés, et chacun se croyait le seul.

Le duc ne voulait pas se rabattre sur des gens sans fierté, il n’en eût pas manqué ; ni sur des hommes trop laids ou trop âgés, Morenita les eût repoussés. Enfin, il découvrit, dans un coin de sa cervelle, la pensée de s’en ouvrir franchement à Hubert Clet.

Clet, le poète, l’homme de lettres, le sceptique à l’endroit des choses sérieuses, l’enthousiaste à propos des choses frivoles, Clet, qui avait mangé sa fortune, ouvrit l’oreille à cette proposition, mais sous toutes réserves.

— Je sais toute la vérité sur l’aventure de Gênes, dit-il au duc ; je vous remercie de la confiance et de la franchise avec laquelle vous m’en parlez. Mais je tiens tous les détails de la bouche d’Algénib en personne.

— Vous l’avez donc vu ? il est donc à Paris ? s’écria le duc.

— Je l’y ai vu peu de jours après votre retour. Il n’a fait que traverser la France et doit être maintenant en Angleterre. J’ai protégé et assisté l’enfance de ce pauvre garçon, qui n’est pas si méprisable que vous croyez. Il a confiance en moi, il m’a tout raconté. Morenita a été non-seulement invulnérable à son plan de séduction, mais encore dure, hautaine, cruelle pour lui. Il la déteste maintenant autant qu’il l’a aimée, et y renonce avec d’autant plus d’empressement qu’il a grand’peur de vous. Je ne vois donc pas trop pourquoi vous vous êtes cru forcé de mettre cette pauvre petite au couvent. Vous dites qu’elle y est devenue sage : je crains que vous ne l’y retrouviez folle. Voyons ! vous lui donnez une fortune, et je suis amoureux d’elle : deux motifs pour que je l’épouse sans folie et sans bas-