Page:Sand - La Filleule.djvu/290

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serrés se relâcheraient forcément plus tôt qu’on ne l’espère.

Elle s’était fait haïr dans le monde, elle se fit aimer dans le couvent. Le duc, à qui la supérieure écrivit pour faire l’éloge de sa belle pénitente, s’applaudit du parti qu’il avait pris.

— Avec ces natures indisciplinées, disait-il à sa femme, la rigueur est salutaire. Elles ne cèdent qu’à une volonté plus ferme que la leur.

— Savoir ! répondait la duchesse avec un sourire étrange. En toute chose, il faut considérer la fin. Les âmes vraiment énergiques savent attendre. Elles ne plient que pour mieux se relever. Je crois votre fille plus forte que vous.

— C’est ce que nous verrons ! reprenait le duc avec humeur.

Et pourtant son cœur saignait déjà à l’idée des pleurs que Morenita versait peut-être en secret. Il était bon par tempérament ; mais malgré l’intention d’être juste, il ne savait pas l’être.

— Dans six mois ou un an, disait-il, quand nous nous serons bien assurés que tout lien entre elle et ce drôle est rompu par l’oubli et l’absence, nous la reprendrons et nous la marierons tout de suite. Cherchons-lui un mari ; tout est là. Nous augmenterons sa dot en raison de la sottise qu’elle a faite et du danger auquel elle s’est exposée en recevant ce gitano. Si le coquin se vante, nous le ferons taire. L’époux de Morenita, recevant de nous protection et richesse, ne sera pas bien à plaindre.

Marier Morenita devint donc l’idée fixe du duc de Florès. Il était impatient de mettre un terme à la captivité de sa fille. Lui aussi savait bien que les bohémiens ne supportent pas longtemps la privation de la liberté. On lui écrivait qu’elle était souffrante ; il craignait qu’elle ne fût malade, et puis il était las de vouloir.

Il sonda toutes les personnes de son entourage qui pouvaient être des époux sortables. À sa grande surprise, malgré les cinq