Page:Sand - La Filleule.djvu/320

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Algénib, c’est pourtant toi qui es cause de mon malheur, et tu m’abandonnes !

Elle appela le garde, lui ordonna de monter à cheval, de rejoindre Algénib et de le lui ramener tout de suite.

— S’il ne veut pas, dit-elle, éperdue et sans songer à s’observer devant son hôte, dites-lui que je me tuerai en vous voyant revenir sans lui.

Le garde monta à cheval et partit. Morenita le vit mettre son petit poney au galop, suivre l’allée qu’Algénib avait suivie, et disparaître derrière les mêmes masses d’arbres. Elle compta les minutes, les heures… La nuit vint. Le garde n’avait pas reparu. Morenita, en proie à une angoisse insoutenable, sortit de sa chambre pour s’informer si cet homme n’était pas revenu par un autre chemin.

— Il n’est pas revenu du tout, dit la forestière. Ça m’étonne ; mais ne voulez-vous pas partir vous-même, signorina ? Voilà votre voiture qui arrive… Ah ! s’écria-t-elle en regardant vers la direction opposée, et mon homme aussi ! avec votre frère… et deux autres messieurs.

Morenita regarda du même côté, étouffa un cri, rentra dans la maison et courut s’enfermer dans sa chambre. Les deux hommes qui accompagnaient Algénib étaient Stéphen et Roque.

La confusion et l’épouvante de cette pauvre enfant étaient si grandes, qu’un instant elle eut la pensée de se jeter par la fenêtre et de se tuer pour échapper à l’humiliation de se voir rendue à l’homme qui l’avait dédaignée, par celui qui la dédaignait.

On frappa à sa porte, elle ne répondit pas. Elle était comme paralysée.

— Attendons qu’il lui plaise d’ouvrir, disait la voix de Stéphen.