Page:Sand - La Filleule.djvu/46

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simples de mœurs et encore à demi rustiques. Hubert Clet m’étonna donc beaucoup au commencement. Un instant, il me parut un phénomène si curieux à observer, que je faillis négliger pour lui le coléoptère. Je me demandais si, en effet, c’était là un homme de génie dont il fallait combattre la sainte pudeur qui l’empêchait de se manifester, ou un sot à qui j’eusse mieux fait de tourner le dos.

Au bout de quelques causeries, je le connus assez bien, pour un provincial et un apprenti savant que j’étais. Je vis qu’il avait trop d’esprit pour n’être pas capable d’arriver au talent, mais que ce ne serait jamais un grand artiste littéraire, parce qu’il vivait trop dans l’amour de lui-même. Je vis qu’il était plus naïf d’amour-propre et plus faible de cœur qu’il ne le pensait, et qu’il y avait même en lui d’excellentes qualités qu’il eût rougi d’avouer comme étant trop naturelles et trop prosaïques, mais qui devaient tôt ou tard l’emporter sur ses affectations d’ennui et de désespoir.

Un soir, il m’accompagna pour la première fois à mon gîte. Il demeurait, lui, dans une superbe villa d’été appartenant à la sœur d’un de ses amis. Cet ami l’avait amené là, pour la saison de la chasse. Mais il méprisait la chasse comme tout le reste, et il prétendait chérir la solitude ; voilà pourquoi il s’emparait de moi et ne me permettait plus d’être seul.

Il vit mon intérieur provisoire de la maison Floche, et le trouva plus original et plus poétique qu’il ne l’était réellement. L’histoire de la bohémienne et la vue de Morena, qui, en réalité, était devenue, au bout de six semaines, une fort jolie petite créature, lui inspirèrent l’idée…


(Ici, nous trouvons une lacune dans le manuscrit de Stéphen Rivesanges, soit qu’il ne l’ait jamais remplie, soit qu’un de ses cahiers ait été perdu ou brûlé. Mais nous trouvons, pour nous renseigner sur la suite de son histoire, diverses lettres et