Page:Sand - La Filleule.djvu/54

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petite au château de Saule le jour où vous partirez pour Paris. On ne veut pas vous en priver jusque-là.

— Quoi ! tout cela sans me consulter, père Floche ? Je suis le parrain, moi, le seul parent, pour ainsi dire, puisque j’en ai accepté les devoirs, et, bien que ces dames me paraissent d’excellentes âmes, j’ai voix au chapitre avant tout le monde. J’étais décidé à payer pour l’enfant le nécessaire et à veiller sur lui, non pas seulement un an ou deux, mais toujours.

— Eh bien, monsieur, qui vous empêchera d’y veiller ? Est-ce que vous n’avez pas lu la lettre que M. Clet vous a apportée ?

— Non, dit Clet, qui venait d’entrer, puisqu’elle est encore dans ma poche. J’allais au-devant de Stéphen sur un chemin, pendant qu’il rentrait par l’autre. Tenez, mon cher, lisez cette missive.

La lettre était de madame Marange.

« Laissez-nous faire notre devoir, monsieur ; vous n’en aurez pas moins le mérite d’avoir fait le vôtre, et au delà. Permettez-nous, à ma fille et à moi, de nous charger de la pauvre Morena. Nous l’élèverons avec amour, et, je l’espère, avec sagesse. Pour cela, il est nécessaire de nous consulter et de nous entendre avec vous. Venez donc passer la journée chez nous demain, afin que nous ayons le temps d’en causer. Mon fils ira vous chercher pour vous montrer le chemin. Nous désirons que vous ne l’oubliiez pas.

» Julie Marange. »


Elle s’appelait Julie, comme ma mère, cette sainte femme ! Il y a une destinée ! Cette dernière circonstance, plus encore que la lettre et l’émotion que certaines ressemblances m’avaient causée, me décidèrent à vaincre ma sauvagerie et à me tenir prêt dès le lendemain matin à accepter l’invitation.

Le jeune Marange vint à dix heures, dans un tilbury pim-