Page:Sand - La Filleule.djvu/64

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prouve qu’avec les femmes, quand il s’agit de plaire, il suffit de le vouloir.

— Je comprends fort bien, lui répondis-je en riant, que vous ne l’avez pas voulu, puisque vous désirez que je le comprenne ; mais permettez-moi de ne pas le croire. Vous avez dû désirer de vous rendre agréable, et je pense (en tout bien, tout honneur, car je ne me permets jamais de plaisanter mal à propos) que vous avez dû réussir autant que vous le méritez.

— Oh ! oh ! l’homme sérieux ! reprit-il, des compliments un peu moqueurs pour moi et de la diplomatie à propos de madame de Saule ? Déjà ? Comme vous y allez, mon provincial ! Vous devriez être plus confiant avec celui qui vous a valu cette belle connaissance.

— Je ne la cherchais pas.

— Ce qui veut dire que vous ne voulez me savoir aucun gré d’avoir fait ici votre éloge et de vous avoir porté aux nues ?

— Si fait ; si vos éloges sont sincères, quelque exagérés qu’ils puissent être, j’en suis reconnaissant, ainsi que de l’honneur que vous m’avez procuré en me faisant connaître des personnes qui me paraissent dignes de tous les respects.

— Allons, Stéphen, s’écria-t-il avec un peu d’humeur, ne le prenez pas sur ce ton. Vous me faites l’effet dans ce moment-ci, vous qui avez pourtant de l’esprit, d’un maître d’école de village qui a dîné chez la châtelaine de l’endroit, et qui a été si ébloui de cette faveur, qu’il n’a même pas voulu regarder si elle était laide ou belle.

— Je n’ai pas été tant de mon village : j’ai fort bien vu que madame de Saule est belle comme un ange.

— Ah ! j’en étais sûr ! Vous aimez ces têtes-là ? C’est fade, c’est calme, c’est ennuyeux comme un ciel sans nuages.

— Permettez-moi d’avoir mon goût. Peu vous importe, je présume.

— Sans doute. Mais cela ne sera peut-être pas aussi indiffé-