Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/63

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ta mère, et ça me troublait le cœur. Allons, allons, je vais attacher la Grise à la porte ; descends, je le veux.

Ils entrèrent tous trois chez la Rebec et, en moins d’un quart d’heure, la grosse boiteuse réussit à leur servir une omelette de bonne mine, du pain bis et du vin clairet.

Les paysans ne mangent pas vite, et le petit Pierre avait si grand appétit qu’il se passa bien une heure avant que Germain pût songer à se remettre en route. La petite Marie avait mangé par complaisance d’abord ; puis, peu à peu, la faim était venue : car à seize ans on ne peut pas faire longtemps diète, et l’air des campagnes est impérieux. Les bonnes paroles que Germain sut lui dire pour la consoler et lui faire prendre courage produisirent aussi leur effet ; elle fit effort pour se persuader que sept mois seraient bientôt passés et pour songer au bonheur qu’elle aurait de se retrouver dans sa famille et dans son hameau, puisque le père Maurice et Germain s’accordaient pour lui promettre de la prendre à leur service. Mais, comme elle commençait à s’égayer et à badiner avec le petit Pierre, Germain eut la malheureuse idée de lui faire regarder par la fenêtre du cabaret, la belle vue de la vallée qu’on voit tout entière de cette hauteur, et qui est si riante, si verte et si fertile. Marie regarda et demanda si de là on voyait les maisons de Belair.