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la petite fadette

qu’elle en eut peur, et lui dit en le repoussant :

— Assez ! Landry, assez ! on dirait que tu m’embrasses de colère ou que tu penses à Madelon. Apaise-toi, je lui parlerai demain, et demain tu l’embrasseras avec plus de joie que je ne peux t’en donner.

Là-dessus, elle sortit vitement des abords de la carrière, et partit de son pied léger.

Landry était comme affolé, et il eut envie de courir après elle. Il s’y reprit à trois fois avant de se décider à redescendre du côté de la rivière. Enfin, sentant que le diable était après lui, il se mit à courir aussi et ne s’arrêta qu’à la Priche.

Le lendemain, quand il alla voir ses bœufs au petit jour, tout en les affenant et les câlinant, il pensait en lui-même à cette causerie d’une grande heure qu’il avait eue dans la carrière du Chaumois avec la petite Fadette, et qui lui avait paru comme un instant. Il avait encore la tête alourdie par le sommeil et par la fatigue d’esprit d’une journée si différente de celle qu’il aurait dû passer. Et il se sentait tout troublé et comme épeuré de ce qu’il avait senti pour cette fille, qui lui revenait devant les yeux, laide