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la ville noire.

un âge trop avancé, les abstractions et les calculs de l’économie sociale.

C’est par hasard que, dans une petite reprise de fièvre, il se mit à parler en vers à Tonine. Les vers n’étaient pas corrects ; Tonine ne s’en aperçut pas beaucoup, ils chantaient quand même à l’oreille et plaisaient à l’esprit. Les images étaient vives, et les sentiments tendres et vrais. Quand l’accès fut passé, Tonine lui demanda s’il n’avait pas fait quelquefois des chansons.

— Oui, quelquefois, pour m’amuser, répondit-il, mais je ne les ai jamais montrées. J’aurais eu honte de m’avouer poète. Y a-t-il rien de plus méprisable qu’un poète? C’est une voix pleurarde qui raconte la peine sans jamais trouver le remède.

— N’importe, reprit Tonine, montrez-moi vos chansons, ou si vous n’avez pas daigné les écrire, tâchez de vous en rappeler une ou deux. Vous avez la tête fatiguée, vous ne pouvez pas penser de quelque temps à vos grandes affaires, que d’ailleurs je ne comprendrais pas : une chanson vous délassera et me fera plaisir à entendre.