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pour qu’il dût ne pas redevenir cachottier comme la première fois. N’avons-nous pas fait notre possible pour lui éclaircir les idées et lui donner confiance en nous ? Je n’aime pas cette fierté qui cache des peines d’argent comme des peines de cœur, et si vous voulez que je vous le dise, je n’y comprends rien du tout. Où est le mal de ne pas réussir, quand il n’y a pas de notre faute ? Est-ce une honte de rester pauvre ? Qu’est-ce que cette idée-là, de croire que la richesse est un devoir et un honneur ? Alors, vous et moi, et des milliers de braves gens qui ne peuvent pas aller plus loin que leur pain gagné, nous serions donc tous méprisables ?

— Tu ne veux pas comprendre, lui répondit Gaucher, que l’esprit tourmente, et que celui qui croit en avoir plus que les autres ne peut pas être heureux, s’il ne monte pas plus haut que les autres.

— Allons ! dit Tonine, c’est donc ça ? Eh bien, alors prions Dieu pour que ce grand esprit nous monte sur les épaules et puis par-dessus la tête ; mais ne nous imaginons plus qu’il ait besoin de nos amitiés, car, après avoir fait semblant de s’en con-