Page:Sand - La Ville noire.djvu/206

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allures dégagées. Les vaches grasses et les lourdes brebis qui l’entouraient, la maison blanche enfoncée dans les masses du verger fleuri, les grands herbages et les vertes moissons de la plaine unie comme une mer, l’horizon fin et vaporeux, formaient un tableau plein d’harmonie, de douceur et de sereine majesté.

La brise printanière courbait légèrement les jeunes épis et apportait les parfums du foin nouveau. « Le bonheur est ici, se dit le jeune exilé. Il n’y est peut-être pas pour moi, mais il y est pour qui serait sage et patient. Sans doute, dans cette vie lente et uniforme de la terre, le cœur d’un homme actif étoufferait bien quelquefois celui qui le porte. Cette nature qui fait son œuvre à pas comptés, jour par jour, heure par heure, et qui n’obéit à l’homme qu’avec une régularité imposante, c’est comme une loi sourde et aveugle qui se rit de nos fièvres d’activité. C’est aussi un joug qui vous retient encore mieux que le bœuf attaché à la charrue, car il ne faut pas quitter la terre quand on s’est marié avec elle. C’est un atelier de travail qu’on ne transporte