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rance de devenir fifre et tambour, Haydn et moi, dans les glorieuses armées de Sa Majesté.

— Toi, tambour ? s’écria la princesse en éclatant de rire. Ah ! si de Kleist t’avait vue ainsi, je gage que tu lui aurais tourné la tête. Mon frère t’eût pris pour son page, et Dieu sait quels ravages tu eusses faits dans le cœur de nos belles dames. Mais que parles-tu de Haydn ? Je connais ce nom-là ; j’ai reçu dernièrement de la musique de ce Haydn, je me le rappelle, et c’est de la bonne musique. Ce n’est pas l’enfant dont tu parles ?

— Pardonnez-moi, madame, c’est un garçon d’une vingtaine d’années, qui a l’air d’en avoir quinze. C’est mon compagnon de voyage, c’était mon ami sincère et fidèle. À la lisière d’un petit bois où nos ravisseurs s’arrêtèrent pour déjeuner, nous prîmes la fuite ; on nous poursuivit, nous courûmes comme des lièvres, et nous eûmes le bonheur d’atteindre un carrosse de voyage qui renfermait le noble et beau Frédéric de Trenck, et un ci-devant conquérant, le comte Hoditz de Roswald.

— Le mari de ma tante la margrave de Culmbach ? s’écria la princesse : encore un mariage d’amour, de Kleist ! c’est, au reste, la seule chose honnête et sage que ma grosse tante ait faite en sa vie. Comment est-il ce comte Hoditz ? »

Consuelo allait entreprendre un portrait détaillé du châtelain de Roswald ; mais la princesse l’interrompit pour lui faire mille questions sur Trenck, sur le costume qu’il portait ce jour-là, sur les moindres détails ; et lorsque Consuelo lui raconta comme quoi Trenck avait volé à sa défense, comme quoi il avait failli être atteint d’une balle, comme quoi enfin il avait mis en fuite les brigands, et délivré un malheureux déserteur qu’ils emmenaient pieds et poings liés dans leur carriole, il fallut qu’elle recommençât, qu’elle expliquât les