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nesse comme je le devais. Je n’ai pas osé lui offrir d’aller lui porter mes tristes consolations. Son cœur m’a paru, d’après ses lettres, partagé entre sa bonté et son orgueil. Elle m’appelait sa chère enfant, sa généreuse amie, mais elle ne paraissait désirer nullement les secours ni les soins de mon affection.

— Ainsi tu supposes qu’Albert, ressuscité, vit tranquille et inconnu au château des Géants, sans t’envoyer de billet de faire-part, et sans que personne s’en doute hors de l’enceinte dudit château ?

— Non, madame, je ne le suppose pas ; car ce serait tout à fait impossible, et je suis folle de vouloir en douter », répondit Consuelo, en cachant dans ses mains son visage inondé de larmes.

La princesse semblait, à mesure que la nuit s’avançait, reprendre son mauvais caractère ; le ton railleur et léger avec lequel elle parlait de choses si sensibles au cœur de Consuelo faisait un mal affreux à cette dernière.

« Allons, ne te désole pas ainsi, reprit brusquement Amélie. Voilà une belle partie de plaisir que nous faisons là ! Tu nous as raconté des histoires à porter le diable en terre ; de Kleist n’a pas cessé de pâlir et de trembler, je crois qu’elle en mourra de peur ; et moi, qui voulais être heureuse et gaie, je souffre de te voir souffrir, ma pauvre enfant !… »

La princesse prononça ces dernières paroles avec le bon diapason de sa voix, et Consuelo, relevant la tête, vit qu’une larme de sympathie coulait sur sa joue, tandis que le sourire d’ironie contractait encore ses lèvres. Elle baisa la main que lui tendait l’abbesse, et la plaignit intérieurement de ne pouvoir pas être bonne pendant quatre heures de suite.

« Quelque mystérieux que soit ton château des Géants, ajouta la princesse, quelque sauvage que soit l’orgueil