— Monsieur le capitaine, il me semble que vous voulez singer le roi. On dit que, quand il interroge un accusé, il lui lit dans le blanc des yeux. Croyez-moi, ces façons-là ne vont qu’à lui ; et encore, s’il venait chez moi pour me les faire subir, je le prierais de retourner à ses affaires.
— C’est cela ; vous lui diriez : “Va te promener, Sire.”
— Pourquoi non ? La place du roi est sur son cheval ou sur son trône, et s’il avait le caprice de venir chez moi, je serais en droit de ne pas le souffrir maussade.
— Vous auriez raison ; mais dans tout cela vous ne me répondez pas. Vous ne voulez pas me prendre pour le confident de vos prochaines amours ?
— Il n’y a point de prochaines amours pour moi, je vous l’ai dit souvent, baron.
— Oui, en riant, parce que je vous interrogeais de même ; mais si je parle sérieusement à cette heure ?
— Je réponds de même.
— Savez-vous que vous êtes une singulière personne ?
— Pourquoi cela ?
— Parce que vous êtes la seule femme de théâtre qui ne soit pas occupée de belle passion ou de galanterie.
— Vous avez une mauvaise idée des femmes de théâtre, monsieur le capitaine.
— Non ! j’en ai connu de sages ; mais elles visaient à de riches mariages, et vous, on ne sait à quoi vous songez.
— Je songe à chanter ce soir.
— Ainsi vous vivez au jour le jour ?
— Désormais, je ne vis pas autrement.
— Il n’en a donc pas été toujours ainsi ?
— Non, monsieur.
— Vous avez aimé ?
— Oui, monsieur.
— Sérieusement ?