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images et aux tristes réflexions que le récit de Karl lui suggérait, elle s’efforça de ne penser qu’à l’avenir inconnu qui s’ouvrait devant elle ; et peu à peu elle tomba dans une rêverie pleine de charmes. Peu d’organisations privilégiées ont seules le don de commander à leur pensée dans l’état d’oisiveté contemplative. Consuelo avait eu souvent, et principalement durant les trois mois d’isolement qu’elle venait de passer à Spandaw, l’occasion d’exercer cette faculté, accordée d’ailleurs, moins aux heureux de ce monde qu’à ceux qui disputent leur vie au travail, aux persécutions et aux dangers. Car il faut bien reconnaître le mystère providentiel des grâces d’état ; sans quoi la force et la sérénité de certains infortunés paraîtrait impossible à ceux qui n’ont guère connu le malheur.

Notre fugitive se trouvait, d’ailleurs, dans une situation assez bizarre pour donner lieu à beaucoup de châteaux en Espagne. Ce mystère qui l’enveloppait comme un nuage, cette fatalité qui l’attirait dans un monde fantastique, cette sorte d’amour paternel qui l’environnait de miracles, c’en était bien assez pour charmer une jeune imagination riche de poésie. Elle se rappelait ces paroles de l’Écriture que, dans ses jours de captivité, elle avait mises en musique.

« J’enverrai vers toi un de mes anges qui te portera dans ses bras, afin que ton pied ne heurte point la pierre.

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« Je marche dans les ténèbres, et j’y marche sans crainte, parce que le Seigneur est avec moi. »

Ces mots avaient désormais un sens plus clair et plus divin pour elle. Dans un temps où l’on ne croit plus à la révélation directe et à la manifestation sensible de la Divinité, la protection et le secours du ciel se traduisent