les deux premiers sujets de la troupe italienne, le Porporino et la Porporina, remplissaient les deux premiers rôles.
Si nos lectrices daignent faire un léger effort de mémoire, elles se rappelleront que ces deux personnages dramatiques n’étaient pas mari et femme comme leur nom de guerre semblerait l’indiquer ; mais que le premier était le signor Uberti, excellent contralto, et le second, la Zingarella Consuelo, admirable cantatrice, tous deux élèves du professeur Porpora, qui leur avait permis, suivant la coutume italienne du temps, de porter le glorieux nom de leur maître.
Il faut avouer que la signora Porporina ne chantait pas en Prusse avec tout l’élan dont elle s’était sentie capable dans des jours meilleurs. Tandis que le limpide contralto de son camarade résonnait sans défaillance sous les voûtes de l’Opéra berlinois, à l’abri d’une existence assurée, d’une habitude de succès incontestés, et d’un traitement invariable de quinze mille livres de rente pour deux mois de travail ; la pauvre Zingarella, plus romanesque peut-être, plus désintéressée à coup sûr, et moins accoutumée aux glaces du Nord et à celles d’un public de caporaux prussiens, ne se sentait point électrisée, et chantait avec cette méthode consciencieuse et parfaite qui ne laisse pas de prise à la critique, mais qui ne suffit pas pour exciter l’enthousiasme. L’enthousiasme de l’artiste dramatique et celui de l’auditoire ne peuvent se passer l’un de l’autre. Or il n’y avait pas d’enthousiasme à Berlin sous le glorieux règne de Frédéric le Grand. La régularité, l’obéissance, et ce qu’on appelait au dix-huitième siècle et particulièrement chez Frédéric la raison, c’étaient là les seules vertus qui pussent éclore dans cette atmosphère pesée et mesurée de la main du roi. Dans toute assemblée présidée par lui, on ne