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une couronne de fleurs sur la tête, un crucifix d’or sur la poitrine, et on me déposa dans une longue cuvette de marbre blanc, taillée dans le pavé souterrain de la chapelle. Je ne sentis ni le froid ni le manque d’air ; je ne vivais que par la pensée.

« Marcus arriva une heure après. Sa consternation lui ôta d’abord toute réflexion. Il vint machinalement se prosterner sur ma tombe : on l’en arracha ; il y revint dans la nuit. Cette fois il s’était armé d’un marteau et d’un levier. Une pensée sinistre avait traversé son esprit. Il connaissait mes crises léthargiques ; il ne les avait jamais vues aussi longues, aussi complètes ; mais, de quelques instants de cet état bizarre observés par lui, il concluait à la possibilité d’une effroyable erreur. Il ne se fiait point à la science de Wetzelius. Je l’entendis marcher au-dessus de ma tête ; je reconnus son pas. Le bruit du fer qui soulevait la dalle me fit tressaillir, mais je ne pus faire entendre un cri, un gémissement. Quand il souleva le voile qui couvrait mon visage, j’étais tellement exténuée par les efforts que je venais de faire pour l’appeler, que je semblais plus morte que jamais. Il hésita longtemps ; il interrogea mille fois mon souffle éteint, mon cœur et mes mains glacées. J’avais la raideur d’un cadavre. Je l’entendis murmurer d’une voix déchirante : « C’en est donc fait ! plus d’espoir ! Morte, morte !… Ô Wanda ! » Il laissa retomber le voile, mais il ne replaça pas la pierre. Un silence épouvantable régnait de nouveau. Était-il évanoui ? M’abandonnait-il, lui aussi, oubliant, dans l’horreur que lui inspirait la vue de ce qu’il avait aimé, de refermer mon sépulcre ?

« Marcus, plongé dans une sombre méditation, formait un projet lugubre comme sa douleur, étrange comme son caractère. Il voulait dérober mon corps aux outrages de la destruction. Il voulait l’emporter secrè-