Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156

établis avec toutes les autres sociétés secrètes, à une quantité de néophytes et d’adeptes dont les fonctions consistent à examiner avec la plus scrupuleuse attention les choses et les personnes qui nous intéressent, il n’est rien qui puisse échapper à nos investigations. Il n’est point de secrets pour nous dans le monde. Nous savons pénétrer dans les arcanes de la politique, comme dans les intrigues des cours. Votre vie sans tache, votre caractère sans détours, n’étaient donc pas bien difficiles à connaître et à juger. Le baron de Trenck, dès qu’il sut que l’homme dont vous aviez été aimée et que vous ne lui aviez jamais nommé, n’était autre que son ami Albert, nous parla de vous avec effusion. Le comte de Saint-Germain, un des hommes les plus distraits en apparence et les plus clairvoyants en réalité, ce visionnaire étrange, cet esprit supérieur qui ne semble vivre que dans le passé et auquel rien n’échappe dans le présent, nous eut bien vite fourni sur vous les renseignements les plus complets. Ils furent tels, que dès lors je m’attachai à vous avec tendresse et vous regardai comme ma propre fille.

« Quand nous fûmes assez instruits pour nous diriger avec certitude, nous fîmes venir d’habiles musiciens sous cette fenêtre où nous voici maintenant assises. Albert était là où vous êtes, appuyé contre ce rideau, et contemplant le coucher du soleil ; Marcus tenait une de ses mains et moi l’autre. Au milieu d’une symphonie composée exprès pour quatre instruments, dans laquelle nous avions fait placer divers motifs des airs bohémiens qu’Albert joue avec tant d’âme et de religion, on lui fit entendre le cantique à la Vierge avec lequel vous l’aviez charmé autrefois.

« Ô Consuelo de mi alma…»