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— Oh ! madame, interrompit Consuelo avec émotion, est-elle donc encore à Spandaw ?

— Nous venons de l’en faire sortir. Albert et Liverani n’ont pu l’enlever en même temps que vous, parce qu’elle était beaucoup plus étroitement surveillée ; ses révoltes, ses imprudentes tentatives d’évasion, son impatience et ses emportements ayant aggravé les rigueurs de son esclavage. Mais nous avons d’autres moyens que ceux auxquels vous avez dû votre salut. Nos adeptes sont partout, et quelques-uns cultivent le crédit des cours afin de s’en servir pour la réussite de nos desseins. Nous avons fait obtenir pour Amélie la protection de la jeune margrave de Bareith, sœur du roi de Prusse, qui a demandé et obtenu sa mise en liberté, en promettant de se charger d’elle et de répondre de sa conduite à l’avenir. Dans peu de jours la jeune baronne sera auprès de la princesse Sophie Wilhelmine, qui a le cœur aussi bon que la langue mauvaise, et qui lui accordera la même indulgence et la même générosité qu’elle a eues envers la princesse de Culmbach, une autre infortunée, flétrie aux yeux du monde comme Amélie, et qui a été victime comme elle du régime pénitentiaire des forteresses royales.

« Albert ignorait donc les malheurs de sa cousine, lorsqu’il prit la résolution d’aller voir son oncle et sa tante au château des Géants. Il n’eût pu se rendre compte de l’inertie de ce baron Frédéric, qui avait la force animale de vivre, de chasser et de boire après tant de désastres, et l’impassibilité dévote de cette chanoinesse, qui craignait, en faisant des démarches pour retrouver sa parente, de donner plus d’éclat au scandale de son aventure. Nous avions combattu le projet d’Albert avec épouvante, mais il y avait persisté à notre insu. Il partit une nuit en nous laissant une lettre