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gnant les mains et en laissant tomber son plumeau.

— Karl ! s’écria à son tour Consuelo, oh ! merci, mon Dieu, je suis sauvée. Albert a un bon ange jusque dans ce palais.

— Albert ? Albert ! reprit Karl, est-ce lui qui est en danger, mon Dieu ? En ce cas, entrez vite, signora, dussé-je être chassé… Et Dieu sait que je regretterais ma place, car j’y fais quelque bien, et j’y sers notre sainte cause mieux que je n’ai encore pu le faire ailleurs… Mais Albert ! Tenez, l’impératrice est une bonne femme quand elle ne gouverne pas, ajouta-t-il à voix basse. Entrez, vous serez censée m’avoir précédé. Que la faute retombe sur ces coquins de valets qui ne méritent pas de servir une reine, car ils ne lui disent que des mensonges ! »

Consuelo entra, et l’impératrice, en ouvrant ses yeux appesantis, la vit à genoux et comme prosternée au pied de son lit.

« Qu’est-ce là ? s’écria Marie-Thérèse, en drapant son couvre-pied sur ses épaules avec une majesté d’habitude qui n’avait plus rien de joué, et en se soulevant, aussi superbe, aussi redoutable en cornette de nuit et sur son chevet, que si elle eût été assise sur son trône, le diadème en tête et l’épée au flanc.

— Madame, répondit Consuelo, c’est une humble sujette, une mère infortunée, une épouse au désespoir qui, à genoux, vous demande la vie et la liberté de son mari. »

En ce moment, Karl entra, feignant une grande surprise.

« Malheureuse ! s’écria-t-il en jouant l’épouvante et la fureur, qui vous a permis d’entrer ici ?

— Je te fais mon compliment, Karl ! dit l’impératrice, de ta vigilance et de ta fidélité. Jamais pareille chose ne