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m’est arrivée de ma vie, d’être ainsi réveillée en sursaut, avec cette insolence !

— Que Votre Majesté dise un mot, reprit Karl avec audace, et je tue cette femme sous ses yeux. »

Karl connaissait fort bien l’impératrice ; il savait qu’elle aimait à faire des actes de miséricorde devant témoins, et qu’elle savait être grande reine et grande femme, même devant ses valets de chambre.

« C’est trop de zèle ! répondit-elle avec un sourire majestueux et maternel en même temps. Va-t-en, et laisse parler cette pauvre femme qui pleure. Je ne suis en danger avec aucun de mes sujets. Que voulez-vous, madame ? Eh mais, c’est toi, ma belle Porporina ! tu vas te gâter la voix à sangloter de la sorte.

— Madame, répondit Consuelo, je suis mariée devant l’Église catholique depuis dix ans. Je n’ai pas une seule faute contre l’honneur à me reprocher. J’ai des enfants légitimes, et je les élève dans la vertu. J’ose donc…

— Dans la vertu, je le sais, dit l’impératrice, mais non dans la religion. Vous êtes sage, on me l’a dit, mais vous n’allez jamais à l’église. Cependant, parlez. Quel malheur vous a frappé ?

— Mon époux, dont je ne m’étais jamais séparée, reprit la suppliante, est actuellement à Prague, et j’ignore par quelle infâme machination il vient d’être arrêté, jeté dans un cachot, accusé de vouloir prendre un nom et un titre qui ne lui appartiennent pas, de vouloir spolier un héritage, d’être enfin un intrigant, un imposteur et un espion, accusé pour ce fait de haute trahison, et condamné à la détention perpétuelle, à la mort peut-être dans ce moment-ci.

— À Prague ? un imposteur ? dit l’impératrice avec calme ; j’ai une histoire comme cela dans les rapports de ma police secrète. Comment appelez-vous votre mari ?