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mari avec plus d’attention, et marchait plus près de lui, comme si elle eût redouté quelque danger ou quelque émotion pénible. Rien ne troubla cependant la placidité de l’artiste. Il s’assit sur une grande pierre qui domine une colline aride. Il y a quelque chose d’effrayant dans cet endroit. Les rocs s’y entassent en désordre, et y brisent continuellement les arbres sous leur chute. Ceux de ces arbres qui ont résisté ont leurs racines hors du sol, et semblent s’accrocher par ces membres noueux à la roche qu’ils menacent d’entraîner. Un silence de mort règne sur ce chaos. Les pâtres et les bûcherons s’en éloignent avec terreur, et la terre y est labourée par les sangliers. Le sable y porte les traces du loup et du chamois, comme si les animaux sauvages étaient assurés d’y trouver un refuge contre l’homme. Albert rêva longtemps sur cette pierre, puis il reporta ses regards sur ses enfants qui jouaient à ses pieds, et sur sa femme qui, debout devant lui, cherchait à lire à travers son front. Tout à coup il se leva, se mit à genoux devant elle, et réunissant ses enfants d’un geste : « Prosternez-vous devant votre mère, leur dit-il avec une émotion profonde, car c’est la consolation envoyée du ciel aux hommes infortunés ; c’est la paix du Seigneur promise aux hommes de bonne intention ! »

Les enfants s’agenouillèrent autour de la Zingara, et pleurèrent en la couvrant de caresses. Elle pleura aussi en les pressant sur son sein, et, les forçant de se retourner, elle leur fit rendre le même hommage à leur père. Spartacus et moi, nous nous étions prosternés avec eux.

Quand la Zingara eut parlé, le maître reporta son hommage vers Trismégiste, et saisit ce moment pour l’interpeller avec éloquence, pour lui demander la lumière, en lui racontant tout ce qu’il avait étudié, tout ce qu’il avait médité et souffert pour la recevoir. Pour