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et de prévision encore que les animaux domestiques. Un jour, cependant, Consuelo remarqua qu’il ne volait pas aussi gracieusement qu’à l’ordinaire. Il paraissait contraint et impatienté. Au lieu de venir becqueter ses doigts, il ne songeait qu’à se débarrasser à coups d’ongles et de bec d’une entrave irritante. Consuelo s’approcha de lui, et vit un fil noir qui pendait à son aile. Le pauvre petit avait-il été pris dans un lacet, et ne s’en était-il échappé qu’à force de courage et d’adresse, emportant un bout de sa chaîne ? Elle n’eut pas de peine à le prendre, mais elle en eut un peu à le délivrer d’un brin de soie adroitement croisé sur son dos, et qui fixait sous l’aile gauche un très petit sachet d’étoffe brune fort mince. Dans ce sachet elle trouva un billet écrit en caractères imperceptibles sur un papier si fin, qu’elle craignait de le rompre avec son souffle. Dès les premiers mots, elle vit bien que c’était un message de son cher inconnu. Il contenait ce peu de mots :

« On m’a confié une œuvre généreuse, espérant que le plaisir de faire le bien calmerait l’inquiétude de ma passion. Mais rien, pas même l’exercice de la charité, ne peut distraire une âme où tu règnes. J’ai accompli ma tâche plus vite qu’on ne le croyait possible. Je suis de retour, et je t’aime plus que jamais. Le ciel pourtant s’éclaircit. J’ignore ce qui s’est passé entre toi et eux ; mais ils semblent plus favorables, et mon amour n’est plus traité comme un crime, mais comme un malheur pour moi seulement. Un malheur ! Oh ! ils n’aiment pas ! Ils ne savent pas que je ne puis être malheureux si tu m’aimes ; et tu m’aimes, n’est-ce pas ? Dis-le au rouge-gorge de Spandaw. C’est lui. Je l’ai apporté dans mon sein. Oh ! qu’il me paie de mes soins en m’apportant un mot de toi ! Gottlieb me le remettra fidèlement sans le regarder. »