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et celui qui l’attisait avec la pointe de son épée s’étant relevé pour accrocher son chapeau à une pierre saillante du mur, Consuelo vit une chevelure noire qui la fit tressaillir, et le haut d’un visage qui faillit lui arracher un cri de terreur et de tendresse tout à la fois. Il éleva la voix, et Consuelo n’en douta plus, c’était Albert de Rudolstadt.

« Approchez, mon ami, disait-il à son compagnon, et réchauffez-vous à l’unique cheminée qui reste debout dans ce vaste manoir. Voilà un triste gîte, monsieur de Trenck, mais vous en avez trouvé de pires dans vos rudes voyages.

— Et même je n’en ai souvent pas trouvé du tout, répondit l’amant de la princesse Amélie. Vraiment celui-ci est plus hospitalier qu’il n’en a l’air, et je m’en serais accommodé plus d’une fois avec plaisir. Ah çà, mon cher comte, vous venez donc quelquefois méditer sur ces ruines, et faire la veillée des armes dans cette tour endiablée ?

— J’y viens souvent en effet, et pour des raisons plus concevables. Je ne puis vous les dire maintenant, mais vous les saurez plus tard.

— Je les devine de reste. Du haut de cette tour, vous plongez dans un certain enclos, et vous dominez un certain pavillon.

— Non, Trenck. La demeure dont vous parlez est cachée derrière les bois de la colline, et je ne la vois pas d’ici.

— Mais vous êtes à portée de vous y rendre en peu d’instants, et de vous réfugier ensuite ici contre les surveillants incommodes. Allons, convenez que tout à l’heure, lorsque je vous ai rencontré dans le bois…

— Je ne puis convenir de rien, ami Trenck, et vous m’avez promis de ne pas m’interroger.