Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/104

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dire la vérité, à vous, ma belle enfant, c’est vous que je voyais au milieu de la prairie, et qui m’occupiez tellement que je ne songeais plus à continuer ma besogne.

— Moi ! monsieur, dit la soubrette en rougissant encore plus et en inclinant sa jolie tête sur son sein avec embarras. Comment pouvais-je occuper monsieur ?

— Parce que vous êtes plus jolie cent fois que votre maîtresse, lui dis-je en passant un bras autour d’elle et en lui donnant un baiser avant qu’elle eût le temps de se douter de ma fantaisie.

C’était une belle villageoise, une sœur de lait de la signora. Elle était brune aussi, grande et svelte, mais timide dans sa démarche, et aussi naïve, aussi douce dans son maintien que sa jeune maîtresse était résolue et rusée. Elle tomba dans un tel trouble en se voyant ainsi embrassée par surprise devant la signora, qui s’était approchée jusqu’au seuil du salon, entraînant son imbécile cousin, qu’elle s’enfuit en cachant son visage dans son tablier bleu brodé d’argent. La signora, qui ne s’attendait pas davantage à me voir prendre si philosophiquement ses impertinences, recula d’un pas, et le cousin, qui n’avait rien vu, répéta plusieurs fois de suite :

— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que c’est ?

La pauvre fillette continua de fuir sans vouloir répondre, et la signora éclata d’un rire forcé dont je feignis de ne pas m’apercevoir.

Au bout de peu d’instants, je la vis reparaître seule. Elle avait une expression de visage qui voulait être sévère, et qui était émue et troublée.

— Il est heureux pour vous et pour moi, monsieur, dit-elle d’une voix un peu altéré, que mon cousin soit crédule et simple ; car sachez qu’il est jaloux et querelleur.

— En vérité, mademoiselle ? répondis-je gravement.

— Ne raillez pas, monsieur, reprit-elle avec dépit. On