Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/107

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je dévorai cette belle larme, poison subtil qui mit le feu dans mon sein. J’entendis revenir le cousin, et, me levant précipitamment :

— Adieu, signora, lui dis-je, je vous obéirai aveuglément, je le jure sur mon honneur : si monsieur votre cousin m’offense, je me laisserai insulter ; je serai lâche plutôt que de vous faire verser une seconde larme…

Et, la saluant jusqu’à terre, je me retirai. Le cousin ne me parut pas aussi belliqueux qu’elle me l’avait dépeint ; car il me salua le premier, lorsque je passai devant lui. Je me retirai lentement, pénétré de tristesse ; car j’aimais, et je devais ne pas revenir. En devenant sincère, mon amour devenait généreux.

Je me retournai plusieurs fois pour voir la robe de velours de la signora ; mais elle avait disparu. Au moment où je franchissais la grille du parc, je l’aperçus dans une petite allée qui longeait la muraille intérieurement. Elle avait couru pour se trouver là en même temps que moi, et elle s’efforçait de prendre une démarche lente et rêveuse pour me faire croire que le hasard amenait cette rencontre ; mais elle était tout essoufflée, et ses beaux bandeaux de cheveux noirs s’étaient dérangés le long des branches qu’elle avait rapidement écartées pour venir à travers le taillis. Je voulus m’approcher d’elle, elle me fit un signe comme pour m’indiquer qu’on la suivait. J’essayai de franchir la grille ; je ne pouvais pas m’y décider. Elle me fit alors un signe d’adieu accompagné d’un regard et d’un sourire ineffables. En cet instant elle fut belle comme je ne l’avais point encore vue. Je mis une main sur mon cœur, l’autre sur mon front, et je m’enfuis, heureux et amoureux déjà comme un fou. Les branches avaient frémi à quelques pas derrière la signora ; mais, là comme ailleurs, le cousin n’arrivait pas à temps : j’avais disparu.

Je trouvai chez moi une lettre de la Checchina. « Je