Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/142

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d’autant plus. Votre affection pour moi serait toujours douce et tendre, mais moins expansive ; et moi, qui verrais vos chagrins, et qui ne suis pas homme à accepter de longs et pénibles sacrifices sans les rendre, je vous forcerais moi-même, en m’éloignant, à ce mariage devenu nécessaire, aimant mieux vouer ma destinée tout entière à la douleur que de changer la vôtre par une lâcheté. Voilà, signora, ce que j’avais à vous dire, et vous devez comprendre maintenant pourquoi je crains que cet amour ne soit un malheur pour moi.

Elle m’avait écouté dans le calme le plus parfait et le plus grand silence. Quand j’eus fini de parler, elle ne changea rien à son attitude. Seulement, comme je l’observais attentivement, je crus remarquer sur son visage l’expression d’une profonde incertitude. Je me dis alors que je ne m’étais pas trompé, que cette jeune fille était faible et vaine comme toutes les autres ; qu’elle avait seulement la bonne foi de le reconnaître dès qu’on le lui disait, qu’elle aurait probablement celle de me l’avouer de même. Je lui gardai donc mon estime, mais je sentis mon enthousiasme s’évanouir en un instant. Je me félicitais de ma clairvoyance et de ma résolution, quand je vis la signora se lever brusquement et s’éloigner de moi sans rien dire. Je n’étais pas préparé à ce coup, et je fus saisi d’une surprise douloureuse.

— Quoi ! sans un seul mot ! m’écriai-je. Me quitter, et pour jamais peut-être, sans m’adresser une parole de regret ou de consolation !

— Adieu ! me dit-elle en se retournant. De regret, je n’en puis avoir ; et de consolation, c’est moi qui en ai besoin. Vous ne m’avez pas comprise ; vous ne m’aimez pas.

— Moi !

— Et qui me comprendra, ajouta-t-elle en s’arrêtant,