Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/143

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si vous ne me comprenez pas ? Et qui m’aimera, si vous ne m’aimez pas ?

Elle secoua tristement la tête, puis croisa les bras sur sa poitrine en fixant les yeux à terre. Elle était à la fois si belle et si désolée, que j’eus une folle envie de me précipiter à ses pieds, et qu’une crainte vague de l’irriter m’en empêcha au même instant. Je restai immobile et silencieux, les regards attachés sur elle, attendant avec anxiété ce qu’elle allait faire ou dire. Au bout de quelques secondes, elle vint à moi lentement et d’un air recueilli, et, s’appuyant en face de moi contre le piédestal de la statue, elle me dit :

— Ainsi, vous m’avez crue lâche et vaniteuse ; vous avez cru que je pourrais donner mon amour à un homme et accepter le sien, sans lui donner en même temps toute ma vie. Vous avez pensé que je resterais près de vous tant que le vent serait propice, et que je m’éloignerais dès qu’il deviendrait contraire. Comment cela se fait-il ? Cependant vous êtes ferme et loyal, et vous ne commencez, j’en suis sûre, une action sérieuse que quand vous êtes résolu à la continuer jusqu’au bout. Pourquoi donc ne voulez-vous pas que je puisse faire ce que vous faites, et n’avez-vous pas de moi la bonne opinion que j’ai de vous ? Ou vous méprisez bien les femmes, ou vous vous êtes laissé bien tromper par mon étourderie. Je suis souvent folle, je le sais ; mais c’est peut-être un peu la faute de mon âge, et cela ne m’empêche pas d’être ferme et loyale. Du jour où j’ai senti que je vous aimais, Lélio, j’ai été résolue à vous épouser. Cela vous étonne. Vous vous rappelez non seulement les pensées que j’ai dû avoir dans ma position, mais encore mes actions et mes paroles passées. Vous songez à tous ces patriciens que j’ai refusé d’épouser, parce qu’ils n’étaient pas assez nobles. Hélas ! mon pauvre ami, je suis esclave de mon public, comme