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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/156

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grondais mes poupées, je leur disais : « Vous êtes des lâches, et je m’en vais voir si vous avez du sang dans le cœur. »

— Vous méprisez bien les lâches, n’est-ce pas, signora ? lui dis-je, me demandant quelle opinion elle aurait un jour de moi si je cédais en cet instant à sa passion romanesque.

Je retombai dans une pénible rêverie.

— Qu’avez-vous donc ? me dit Alezia.

Sa voix me rappela à moi. Je la regardai avec des yeux humides. Elle pleurait aussi, mais à cause de mon hésitation. Je le compris tout d’abord ; et lui serrant paternellement les mains :

— Ô mon enfant ! lui dis-je, ne m’accusez pas ! Ne doutez pas de mon pauvre cœur. Je souffre tant, si vous saviez !

Et je m’éloignai à grands pas, comme si en m’éloignant d’elle j’eusse pu fuir mon malheur. Rentré chez moi, je devins plus calme. Je repassai dans ma tête toute cette bizarre suite d’événements ; je m’en expliquai à moi-même tous les détails, et fis disparaître ainsi à mes propres yeux l’espèce de mystère qui m’avait d’abord glacé d’une terreur superstitieuse. Tout cela était étrange, mais naturel, jusqu’à ce nom de baptême, ce nom d’Alezia que j’avais toujours voulu savoir et que je n’avais jamais osé demander.

Je ne sais si un autre à ma place aurait pu conserver de l’amour pour la jeune Aldini, À la rigueur, je l’aurais pu sans crime ; car vous vous rappelez que j’étais resté l’amant chaste et soumis de sa mère. Mais ma conscience se soulevait à la pensée de cet inceste intellectuel. J’aimais la Grimani avec son prénom inconnu, je l’aimais de tout mon cœur et de tous mes sens ; mais Alezia, mais la signorina Aldini, la fille de Bianca, en vérité, je ne l’aimais pas ainsi, car il me semblait que j’étais son père.