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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/172

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mais le moindre bruit eût trahi ma présence et jeté l’épouvante dans le cœur ingénu de miss Barbara.

— En vérité, miss, répondit la Checchina en cachant une forte envie de rire derrière un flacon d’essence de rose, votre demande est fort embarrassante, et je ne sais comment y répondre. Je vous avouerai que je n’ai pas sur M. Lélio l’empire que vous voulez bien m’attribuer…

— Ne seriez-vous pas sa femme ? dit la jeune Anglaise avec candeur.

— Oh ! miss, s’écria la Checchina en prenant un air de prude du plus mauvais ton, une jeune personne avoir de telles idées ! Fi donc ! Est-ce qu’en Angleterre l’usage permet aux demoiselles de faire de pareilles suppositions ?

La pauvre Barbara fut tout à fait troublée.

— Je ne sais pas si ma question était offensante, dit-elle d’un ton ému mais plein de résolution ; il est certain que ce n’était pas mon intention. Vous pourriez n’être pas la femme de M. Lélio et vivre avec lui sans crime. Vous pourriez être sa sœur… Voilà tout ce que j’ai voulu dire, madame.

— Et ne pourrais-je pas aussi bien, dit Checca, n’être ni sa femme, ni sa sœur, ni sa maîtresse, mais demeurer ici chez moi ? Ne puis-je pas aussi bien être la comtesse Nasi ?

— Oh ! madame, répliqua ingénument Barbara, je sais bien que M. Nasi n’est pas marié.

— Il peut l’être en secret, miss.

— Ce serait donc bien récemment ; car il m’a demandée en mariage il n’y a pas plus de quinze jours.

— Ah ! c’est vous, mademoiselle ? s’écria la Checchina avec un geste tragique qui fit tomber son éventail.

Il y eut un moment de silence. Puis la jeune miss, voulant absolument le rompre, sembla faire un grand effort sur elle-même,