Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/174

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Je suis d’une jalousie effrénée, tout me porte ombrage. Vous êtes peut-être plus belle que moi, et je le crains si j’en juge par le joli pied que j’aperçois et par les grands yeux que je devine. Vous serez indifférente pour Lélio, puisqu’il m’appartient ; vous êtes fière et généreuse, mais Lélio peut devenir amoureux de vous : vous ne seriez pas la première qui lui aurait tourné la tête. C’est un volage ; il s’enflamme pour toutes les belles femmes qu’il rencontre. Chère signora Barbara, ayez donc la complaisance de relever votre voile, afin que je voie ce que j’ai à craindre, et, pour parler à la française, si je puis exposer Lélio au feu de vos batteries.

L’Anglaise fit un geste de dégoût, puis sembla hésiter ; et, se levant enfin de toute sa hauteur, elle répondit en commençant à détacher son voile :

— Regardez-moi, madame, et rappelez-vous bien mes traits, afin d’en faire la description au seigneur Lélio ; et, si en vous écoutant il paraît ému, gardez-vous de l’envoyer vers moi ; car, s’il venait à vous être infidèle, je déclare que ce serait un malheur pour lui et qu’il n’obtiendrait que mon mépris.

En parlant ainsi, elle avait découvert sa figure. Elle me tournait le dos, et j’essayais vainement de surprendre ses traits dans la glace. Mais avais-je besoin du témoignage de mes yeux, et celui de mes oreilles ne suffisait-il pas ? Elle avait oublié tout à fait son accent anglais et parlait le plus pur italien avec cette voix sonore et vibrante qui m’avait si souvent ému jusqu’au fond de l’âme.

— Pardon, miss, dit la Checchina sans se déconcerter, vous êtes si belle, que toutes mes craintes se réveillent. Je ne puis croire que Lélio ne vous ait pas déjà vue et qu’il ne soit pas d’accord avec vous pour me tromper.

— S’il vous demande mon nom, dit Alezia en arrachant avec violence une des grandes épingles d’acier bruni