Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/175

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qui retenaient sur sa tête le pli de son voile, remettez-lui ceci de ma part, et dites-lui que mon blason porte une épingle avec cette devise : « Au cœur qui n’a pas de sang ! »

En ce moment, ne pouvant rester sous le coup d’un tel mépris, je sortis brusquement de ma cachette et m’élançai vers Alezia avec assurance.

— Non, signora, lui dis-je, ne croyez pas aux plaisanteries de mon amie Francesca. Tout ceci est une comédie qu’il lui a plu de jouer, vous prenant pour ce que vous vouliez paraître et ne sachant pas l’importance de ses mensonges ; c’est une comédie que j’ai laissé jouer, vous reconnaissant à peine, tant vous avez imité avec talent l’accent et les manières d’une Anglaise.

Alezia ne parut ni surprise ni émue de mon apparition. Elle avait le calme et la dignité que les femmes de condition possèdent entre toutes les autres lorsqu’elles sont dans leur droit. À voir son impassibilité, éclairée peu à peu d’un charmant sourire d’ironie, on eût pu croire que son âme n’avait jamais connu la passion, et qu’elle était incapable de la connaître.

— Vous trouvez que j’ai bien joué mon rôle, monsieur ? répliqua-t-elle ; cela vous prouve que j’avais peut-être quelque disposition pour cette profession que vous ennoblissez par vos talents et vos vertus. Je vous remercie profondément de m’avoir ménagé l’occasion de vous donner la comédie, et je rends grâces à madame, qui a bien voulu me donner la réplique. Mais je suis déjà dégoûtée de cet art sublime. Il faut y porter une expérience qui me coûterait trop à acquérir et une force d’esprit dont vous seul au monde êtes capable.

— Non, signora ; vous êtes dans l’erreur, repris-je avec fermeté. Je n’ai point l’expérience du mal, et je n’ai de force que pour repousser des soupçons déshonorants.