Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/195

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action en vous épousant ; bien peu l’oseraient dire tout haut, et je suppose qu’elle devînt veuve, les portes fermées sur elle ne se rouvriraient jamais ; car elle ne trouverait jamais un homme du monde qui voulût l’épouser après vous ; sa famille la considérerait comme morte, et il ne serait même plus permis à sa mère de prononcer son nom. Voilà le sort qui attend Alezia si vous l’épousez. Réfléchissez, et si vous n’êtes pas sûr de l’aimer toujours, craignez un mariage malheureux ; car il ne vous sera plus possible de la rendre à sa famille et à ses amis quand elle aura porté votre nom. Si, au contraire, vous vous sentez la force de l’aimer toujours, épousez-la ; car son dévouement pour vous est sublime, et nul homme au monde n’en est plus digne que vous.

Je restai rêveur, et le comte craignit de m’avoir blessé par sa franchise, malgré les réflexions obligeantes par lesquelles il avait essayé d’en adoucir l’amertume. Je le rassurai.

— Ce n’est point à cela que je songe, lui dis-je ; je songe à la signora Bianca, je veux dire à la princesse Grimani, et aux chagrins dont sa vie serait abreuvée si j’épousais sa fille.

— Ils seraient grands en effet, répliqua le comte ; et si vous connaissiez cette aimable et charmante femme, vous y regarderiez à deux fois avant de l’exposer à la colère de ces insolents et implacables Grimani.

— Je ne l’y exposerai point, répondis-je avec force et comme me parlant à moi-même.

— Cette résolution ne part peut-être point d’un cœur fortement épris, dit le comte ; mais, ce qui vaut mieux, elle part d’un cœur généreux et noble. Quoi que vous fassiez, je reste votre ami, et je soutiens votre détermination envers et contre tous.

Je l’embrassai, et nous passâmes le reste de la journée