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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/197

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— Ce n’est pas lui, mais toi que je cherche, dit-elle. Écoute : il ne faut pas que tu épouses cette marchesina.

— Pourquoi, ma chère Francesca ?

— Je vais te le dire : les obstacles et les dangers exaltent son amour pour toi ; mais elle n’est ni si forte d’esprit ni si libre de préjugés qu’elle le prétend. Elle est bonne, aimable, charmante ; crois-moi, je l’aime de tout mon cœur ; mais elle m’a dit sans s’en apercevoir, en causant avec moi, plus de cent choses qui me prouvent qu’elle croit faire pour toi un sacrifice immense, et qu’elle le regrettera un jour si tu n’en sens pas le prix aussi bien qu’elle. Et, dis-moi, pouvons-nous apprécier ces sacrifices, nous autres qui sommes pleins de justes préventions contre le monde, et qui le méprisons autant qu’il nous méprise ? Non, non ; un jour viendrait, Lélio, je te le prédis, où, même sans regretter le monde ; elle t’accuserait d’ingratitude au premier grief qu’elle aurait contre toi, et c’est un triste rôle pour un homme que d’être l’obligé insolvable de sa femme.

En trois mots je fis savoir à la Checca quelles étaient mes intentions à l’égard d’Alezia. Quand elle vit que j’abondais dans son sens :

— Mon bon Lélio, dit-elle, il m’est venu une idée. Il n’est pas question ici de penser à soi seul, ou du moins il faut penser à soi noblement et assurer l’orgueil de la conscience pour l’avenir. Nasi aime Alezia. Elle n’a point été ta maîtresse ; il peut l’épouser : il faut qu’il l’épouse.

Je ne savais trop si Checca, mue par un sentiment d’inquiétude jalouse, ne me parlait pas ainsi pour me faire parler à mon tour ; mais elle ajouta, sans me donner le temps de répondre :

— Sois sûr de ce que je te dis, Lélio ; Nasi est fou d’elle. Il est triste à mourir. Il la regarde avec des yeux qui semblent dire « Que ne suis-je Lélio ! » et, quand il me