Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/22

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s’accusait naïvement d’être une âme tiède, de ne pas faire ce qu’elle devait ; et, concevant de sa charité plus de repentir que d’orgueil, elle se promettait chaque jour de quitter le siècle et de s’occuper sérieusement de son salut. Vous voyez, d’après ce mélange de faiblesse féminine et de vertu chrétienne, qu’elle ne se piquait point d’être une âme forte, et que son intelligence n’était pas plus éclairée que ne le comportaient le temps et le monde où elle vivait. Avec cela, je ne sais s’il a jamais existé de femme meilleure et plus charmante. Les autres femmes, jalouses de sa beauté, de son opulence et de sa vertu, s’en vengeaient en assurant qu’elle était bornée et ignorante. Il y avait de la vérité dans cette accusation ; mais Bianca n’en était pas moins aimable. Elle avait un fond de bon sens qui l’empêchait d’être jamais ridicule, et, quant à son manque d’instruction, la naïveté modeste qui en résultait était chez elle une grâce de plus. J’ai vu autour d’elle les hommes les plus éclairés et les plus graves ne jamais se lasser de son entretien.

Vivant ainsi à l’église et au théâtre, dans la mansarde du pauvre et dans les palais, elle portait avec elle en tous lieux la consolation ou le plaisir, elle imposait à tous la reconnaissance ou la gaieté. Son humeur était égale, enjouée, et le caractère de sa beauté suffisait à répandre la sérénité autour d’elle. Elle était de moyenne taille, blanche comme le lait et fraîche comme une fleur ; tout en elle était douceur, jeunesse, aménité. De même que, dans toute sa gracieuse personne, on eût vainement cherché un angle aigu, de même son caractère n’offrit jamais la moindre aspérité, ni sa bonté la moindre lacune. À la fois active comme le dévouement évangélique et nonchalante comme la mollesse vénitienne, elle ne passait jamais plus de deux heures dans la journée au même endroit ; mais dans son palais elle était toujours