Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/231

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— Surtout quand vous ne pensez pas à autre chose ?

— Pourquoi cela ? que signifie ce reproche ? » répondit Simon avec beaucoup d’étonnement.

Bonne rougit et baissa les yeux avec embarras. Elle eût mieux aimé que Simon soutînt cette petite guerre que de ne pas comprendre l’intérêt qu’elle y mettait. Elle n’avait pas assez de vivacité dans l’esprit pour continuer sur ce ton, et pour réparer son étourderie par une plaisanterie quelconque. Elle se troubla, et lui dit adieu en frappant le flanc de son cheval avec une branche de peuplier qui lui servait de cravache. Simon la suivit des yeux quelques minutes avec surprise ; puis, haussant les épaules comme un homme qui s’aperçoit de l’emploi puéril de son temps et de son attention, il reprit en sifflant le cours de sa promenade solitaire. La pauvre Bonne avait eu un instant de joie et de confiance imprudente. Elle l’avait cru jaloux en le voyant blâmer son empressement d’aller recevoir M. de Fougères ; mais d’ordinaire elle s’apercevait vite, après ces lueurs d’espoir, qu’elle s’était abusée, et que Simon n’était pas même occupé d’elle.

La Marche est un pays montueux qui n’a rien de grandiose, mais dont l’aspect, à la fois calme et sauvage, m’a toujours paru propre à tenter un ermite ou un poëte. Plusieurs personnes le préfèrent à l’Auvergne, en ce qu’il a un caractère plus simple et plus décidé. L’Auvergne, dont le ciel me garde d’ailleurs de médire ! a des beautés un peu empruntées aux Alpes, mais réduites à des dimensions trop étroites pour produire de grands effets. Le pays marchois, son voisin, a, si je puis m’exprimer ainsi, plus de bonhomie et de naïveté dans son désordre ; ses montagnes de fougères ne se hérissent pas de roches menaçantes ; elles entr’ouvrent çà et là leur robe de verdure pour montrer leurs flancs arides que ronge un lichen blanchâtre. Les torrents fougueux ne s’élancent pas de