Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/238

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Et puis je suis un franc Marchois, voyez-vous ! J’avais emporté d’ici l’instinct industrieux qui n’abandonne jamais le montagnard. Savez-vous ce que je fis ? Je réalisai le produit de quelques diamants que j’avais réussi à sauver ainsi qu’un peu d’or ; j’achetai un petit fonds de commerce, et je me fixai dans une ville où le négoce commençait à fleurir. Les affaires de Trieste prospérèrent vite, et les miennes par conséquent. Nous étions là une colonie de transfuges de tous pays : Français, Anglais, Orientaux, Italiens. Les habitants nous accueillaient avec empressement. Les débris de la noblesse vénitienne, à laquelle on avait arraché sa forme de gouvernement et jusqu’à sa nationalité, vinrent plus tard se joindre à nous, pour acquérir ou pour consommer. Oh ! maintenant, Trieste est une ville de commerce d’une grande importance. J’en revendique ma part de gloire, entendez-vous ? On a dit assez de mal des émigrés, et la plupart d’entre eux l’ont mérité ; il est juste que l’on ne confonde pas les boucs avec les brebis, comme disait le bon abbé Féline. J’ai reçu plusieurs lettres de lui dans mon exil, et je les ai conservées ; je vous les ferai voir. Elles sont pleines d’approbation et d’encouragement. Ce sont là des titres véritables, monsieur Féline ; on peut en être fier, n’est-ce pas ? Non è vero, Fiamma ? » ajouta-t-il en se tournant, avec la vivacité inquiète et un peu triviale qui caractérisait ses manières, vers la jeune dame qui l’accompagnait et qui, depuis un instant seulement, s’était rapprochée de lui.

La personne qui portait ce nom étrange ne répondit que par un signe de tête ; mais elle releva son ombrelle, et ses yeux rencontrèrent ceux de Simon Féline.

Lorsque deux personnes d’un caractère analogue très-énergique se regardent pour la première fois, sans aucun doute il se passe entre elles, avant de se reconnaître et